La Convention de Dublin, ou comment verrouiller lEurope?
La Convention de Dublin, ou comment verrouiller lEurope?
Lespace européen en matière dasile, auquel la Suisse veut sassocier, est celui dont lobjectif est le mieux résumé par le titre du Courrier International de février 2003, «lart de se débarrasser des demandeurs dasile».
Demande dasile et Etat responsable
La Convention de Dublin, entrée en vigueur en 1997, prévoit lexamen de toute demande dasile présentée en Europe par au moins un des Etats membres, avec, pour corollaire, limpossibilité pour un-e requérant-e de former des demandes dasile dans des Etats différents. Les critères de lEtat responsable de cet examen sont complexes: au premier rang de responsabilité se trouve lEtat où résident des membres de la famille du requérant dasile, ensuite, notamment, lEtat qui a délivré le visa ou un titre de séjour et, en cas dentrée irrégulière, lEtat dans lequel le requérant prouve quil est entré en provenance dun pays tiers. Le choix de sa terre de refuge par le.la requérant.e ne fait pas partie des critères de détermination de lEtat responsable de lexamen dune demande dasile! La Convention fixe en outre un mécanisme de transfert du requérant dasile, si nécessaire par la contrainte, vers lEtat membre responsable, dans le cas où la Convention détermine que lEtat responsable nest pas celui où le requérant a déposé sa demande.
La Convention de Dublin est devenue, en 2003, un règlement communautaire (Règlement no 343/2003 du Conseil du 18 février 2003). Son objectif est resté identique, à savoir limiter les chances pour les requérants dasile dobtenir une protection et interdire les requêtes dans plusieurs pays de lUnion européenne (UE), la décision du premier pays sollicité sappliquant aux autres. Pour ce faire le Règlement de Dublin met laccent entre autres sur la responsabilité que prend chaque Etat membre lorsquil laisse perdurer des situations de séjours clandestins sur son territoire, réduit les délais de procédure et fixe un délai plus long et plus souple pour lorganisation des transferts entre Etats participants. Quant à la définition même des risques de persécution permettant de fonder une demande lasile, elle fait encore lobjet dâpres négociations au sein de lUE.
Solutions policières à lasile
Pour faciliter lapplication des mécanismes de Dublin, une banque de données, Eurodac, a été mise en place. Elle crée un système de comparaison des empreintes digitales des demandeurs dasile et des immigrés clandestins, permettant didentifier les demandeurs dasile ainsi que les personnes ayant franchi irrégulièrement une frontière extérieure de lUE. Des informations y seront stockées portant sur les situations individuelles des demandeurs dasile, dans la mesure où elles peuvent servir à la détermination de lEtat membre responsable de lexamen de la demande dasile et à lexamen de la demande dasile elle-même. Il pourra sagir de données personnelles relatives au demandeur (entre autres, identité, famille, itinéraire) et dinformations concernant la demande dasile en elle-même. En principe, le demandeur doit donner son accord à la communication entre Etats de ces informations, peut y avoir accès et, le cas échéant, si elles sont erronées, exiger que des modifications y soient apportées. Les modalités pratiques de lexercice de ces garanties ne sont pas précisées Un «Comité Dublin», auquel la Suisse sera associée, assiste la Commission européenne dans lexercice de ses pouvoirs exécutifs dans le domaine de la mise en uvre, de lapplication et du développement du Règlement de Dublin.
Délocaliser lasile
LUnion européenne discute aujourdhui de linstallation, hors de ses frontières, de camps de triage. Il sagit pour les Etats membres de lUE, en retenant sur leur route les demandeurs dasile ou en les refoulant, de se dégager des responsabilités que la Convention de Genève sur les réfugiés fait peser sur eux et de se défausse ainsi sur des pays qui prennent déjà largement leur part dans laccueil des réfugiés, parce que situés à proximité des zones de conflits. Cest le «syndrome Sangatte», centre de transit installé près de Calais en France. Aujourdhui, dans lUE, les restrictions concernant laccès au territoire et à la procédure dasile deviennent de plus en plus nombreuses. Les réglementations permettant le placement en rétention des demandeurs dasile, notamment dans le cadre de demandes considérées comme inadmissibles ou manifestement infondées se multiplient, avec de surcroît une prédominance dune procédure accélérée. Force est ainsi de constater que Christoph Blocher ne sera pas trop dépaysé en sassociant à un tel projet, même si lUDC, pour renforcer un courant xénophobe sur lequel elle se construit, annonce un référendum contre les accords Schengen/Dublin entre la Suisse et lUnion Européenne!
Jean-Michel DOLIVO